Les relations entre la Grande-Bretagne et la Russie sont au point mort depuis que Vladimir Poutine a ordonné l'invasion de l'Ukraine en février dernier. Mais à Noël, les deux puissances hostiles – non rapportées dans les médias britanniques – se sont réunies dans une cause commune.
Nous ne parlons pas de réconciliation – ou quoi que ce soit de semblable – entre Londres et Moscou. Mais la Grande-Bretagne et la Russie ont un intérêt commun à maintenir au pouvoir Ilham Aliyev, le président azerbaïdjanais notoirement corrompu et insensible.
En termes simples, la Grande-Bretagne a besoin de pétrole et de gaz azéris. Quant à Vladimir Poutine étant de plus en plus assiégé, Aliyev est un allié vital à la frontière difficile et dangereuse entre l'Europe de l'Est et l'Asie centrale, une région où la Russie a un intérêt stratégique profond.
La crise qui a uni la Russie et la Grande-Bretagne a été la décision du président Aliyev le mois dernier de bloquer le lien – connu sous le nom de corridor de Latchine – entre l'Arménie et le Haut-Karabakh. La France entreprit de rédiger une déclaration du CSNU condamnant le blocus.
Les sources arméniennes et azerbaïdjanaises sont d'accord sur ce qui a suivi. L'Azerbaïdjan s'est mis au travail pour s'assurer que la condamnation du CSNU ne verra jamais le jour. Le lobbying s'est poursuivi tout au long de la période de Noël - et la Grande-Bretagne et la Russie (qui ont été des gardiens de la paix au Karabakh depuis la fin de la guerre de 44 jours il y a deux ans) étaient toutes deux désireuses d'entendre le côté azéri de l'histoire. Cela se passe ainsi : le corridor de Lachin n'est pas bloqué par l'État azerbaïdjanais. Les éco-manifestants, irrités par les opérations minières, en sont responsables.
Au 30 décembre, toute perspective d'une dénonciation de l'Azerbaïdjan par le CSNU s'était effondrée. Cela est devenu public lorsqu'un site d'information arménien, Factor TV, a rapporté que la Russie avait introduit une série de projets de modifications de dernière minute "sachant très bien qu'ils ne seraient pas acceptés par les autres membres, ce qui s'est en fait produit".
Le lendemain, un exultant ambassadeur d'Azerbaïdjan à Bruxelles, Vaqif Sadiqov, a confirmé le récit arménien. Dans un tweet lissant publié le soir du Nouvel An, Sadiqov a déclaré:
"Aujourd'hui, la France a perdu une autre bataille face à l'Azerbaïdjan au Conseil de sécurité de l'ONU dans une tentative infructueuse de faire passer une déclaration biaisée pro-arménienne du CSNU sur Latchine, ce qui a déclenché une réaction sévère de la part d'autres membres du CSNU."
Son tweet a conclu: «Des mots de gratitude vont à l'Albanie, la Russie, les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni! Un excellent travail de diplomates AZ!
L'Albanie et les Émirats arabes unis sont des membres non permanents du CSNU. La Grande-Bretagne et la Russie sont des membres permanents.
Cette sordide histoire de trahison est aussi vieille que la diplomatie elle-même. La Grande-Bretagne et la Russie, bien qu'ennemies acharnées, se sont unies dans une cause méprisable pour poursuivre un avantage privé.
Poutine est un monstre – mais le président Aliyev d'Azerbaïdjan il l'est aussi, un chef dynastique dont le régime a un passé de corruption, de répression, de torture et de meurtre alors qu'il réprime tout semblant d'opposition politique. Nous insistons sur le fait que nous nous battons pour les droits de l'homme en Ukraine. Mais sur le Haut-Karabakh, nous avons conclu une alliance grotesque, avec la Russie de Poutine, avec l'un des pires tyrans du monde.
Les victimes de ce pacte cynique sont les Arméniens oubliés
Pierre Oborne
6 janvier 2023
